La suite de la saga d'OPEL racontée par Lookitt, à partir de son abondante documentation. Mise en forme par Didier
Après la mort d’Adam Opel, la vente de bicyclettes pris un ralentissement considérable sur le plan mondial, alors que l’automobile faisait des progrès conséquents grâce à l’essor donné au développement de cette industrie par les firmes Benz, Daimler et Maybach… Les frères Opel avaient suivi d’un œil attentif l’évolution de ce nouveau moyen de locomotion et comprirent l’importance que l’automobile allait prendre dans l’avenir.
En 1898, les frères Opel entamèrent des pourparlers avec Friedrich Lutzmann (fabriquant de voitures à Dessau) qui aboutirent à l’achat des installations industrielles et du brevet Lutzmann. L’usine fut transférée à Rüsselscsheim et l’année suivante la production d’automobiles Opel Patent Motor Car, System Lutzmann vit le jour. Ce véhicule breveté Opel fabriqué avec le système Lutzmann comportait 2 places, propulsé par un moteur monocylindre de 1545 cm3 développant 3,5 cv à 650 tr/min; il pouvait atteindre une vitesse maximale de 20 km/h en consommant 10L pour 100 km.
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Au cours de la première année, onze variantes de carrosseries étaient réalisées à la main. L’Opel Patent Motor Car pouvait passer de 2 à 3 places. Le mouvement artistique “Art Nouveau” fit son entrée dans l’industrie automobile, et s'illustra particulièrement dans le logo Opel. |
Mais le projet de lancement en fabrication prit fin très rapidement. Opel n’étant pas satisfait des performances, décida d’en arrêter la production. Une autre solution fut envisagée, et, en 1900, Opel signa un contrat avec la firme Darracq de Suresnes, lui assurant la concession du brevet de fabrication et de la représentation de cette marque. Dans un premier temps, Opel acheta des châssis complets et les équipa de carrosseries fabriquées à Rüsselsheim : ces voitures rapides et d’un excellent rendement étaient vendues en Allemagne et en Autriche sous la marque Opel-Darracq. La 8/9 System Darracq servit de base l’année suivante pour la création de la toute première Opel du nom, l’Opel 10/12. Cette dernière fut équipée d’un moteur bicylindre de 1885 cm3 développant 12cv et pouvant atteindre la vitesse effroyable de 25 km/h. Sur les radiateurs de la 10/12 PS apparaissait le logo de l’usine qui pourrait être considéré aujourd’hui comme une plaque d’identification un peu plus élaborée.
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8/9 SYSTEM DARRACQ | 10/12 OPEL |
En 1901, avant le lancement de la 10/12, Opel planchait déjà sur les motocyclettes. La puissance issue du moteur monocylindre était transmise directement du vilebrequin à la roue arrière par l'intermédiaire d'une courroie de cuir. Le pilote devait démarrer la moto à la « poussette ».
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En 1902, sortit la 12/14, en fait une 10/12 modifiée et perfectionnée pour répondre à la demande du marché allemand. Elle était équipée de 4 places, 2 lanternes d’éclairage, un toit et un moteur de 2365 cm3 de 14cv avec transmission par cardan. L’année suivante, suivit toute une série de nouveaux modèles à 4 cylindres dont les 20/24 (3770 cm3, 24cv et 70 km/h en pointe) et 35/40 de 6872 cm3 et 40cv. A ces modèles furent adjoints des voitures plus petites dont les châssis étaient achetés en France. Apparut alors un nouveau logo « Opel » écrit en cursives épaisses et qui orna certaines calandres des 10/12 et 12/14.
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OPEL 12/14 | OPEL 20/24 | OPEL 35/40 |
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En 1904, apparut la 30/32, moteur 4 cylindres de 4,7L développant 32 CV. Il s’agissait là du premier modèle Opel équipé du double allumage et de freins à mâchoire et non plus à ruban. 2 ans après, en 1906, suivirent la fabrication de la 45/50 (8000 cm3, 4 cylindres, 50 CV) et la 25/30 équipée d’un toit escamotable. C’est cette année là que les accords avec Darracq prirent fin et que la production Opel se distingua par des caractéristiques particulières et originales.
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OPEL 25/30 | OPEL 45/50 | OPEL 30/32 |
En 1907, l’excellente qualité de fabrication et les nombreux succès remportés dans le domaine sportif contribuèrent à placer Opel parmi les principales marques allemandes d’automobiles. En effet, lors de la course du “Prix de l'Empereur” qui se déroula dans la région de Taunus, le pilote Opel Carl Jörns remporta le prix d'honneur décerné à la meilleure voiture allemande, une voiture de course de 7,8 litres affichant 60 ch. Ce succès donna à la société le droit de revendiquer le titre de “Fournisseur de la Cour Impériale”. De 1905 à 1910, Opel brilla dans d’autres disciplines sportives telles que les Classiques Épreuves de régularité Allemandes, le Grand Prix du Kaiser, ou le Grand Prix de France couru à Dieppe. Ces grands succès permirent à la firme Opel de diversifier sa gamme d’automobiles répondant à la demande du marché allemand toujours grandissante. Ainsi, elle poursuivit son développement et construit beaucoup d'utilitaires et camions de livraison dotés d'aménagements spécifiques qui répondirent aux besoins de la clientèle. Les ouvriers obtinrent une meilleure représentation dans les instances de la société avec la naissance de comités d'ouvriers, précurseurs des représentations syndicales.
Jusqu’en 1914, la firme Opel continua à participer intensivement aux compétitions internationales, remportant de nombreuses victoires en France, en Russie, en Autriche et en Suède. Ses voitures de course étaient d’une architecture spéciale, avec des moteurs à quatre cylindres à soupapes et arbres à cames en tête. En 1909, la victoire remportée par Wilhelm Opel dans la Prinz Heinrich Farht, courue sur un parcours de près de 2000 km à travers l’Allemagne et l’Autriche, eut beaucoup de retentissement outre-Rhin. C’était un résultat remarquable, étant donné que la voiture Opel, qui avait enlevé l’épreuve, était un modèle de série de 2.0 L (70 x 120 mm) qui, grâce à sa carrosserie très légère et profilée pouvait dépasser 90 km/h. L’année suivante, les voitures Opel réalisèrent également d’excellentes performances dans la Pritz Henrich Farht avec des modèles spéciaux équipés de moteurs à 4 cylindres (115 x 175 mm) de 7,3 L qui développaient plus de 100 CV.
En 1910, Opel créa la « Doktorwagen » (voiture de docteur) équipée d’un moteur à deux cylindres de 1000 cm3 développant 8 CV, refroidi par un circuit d’eau, réputée pour sa robustesse et son fonctionnement sûr. Son bas prix (moins de 4000 marks) et sa robustesse lui firent remporter un grand succès auprès de la population de classe moyenne. Opel, rendant ainsi l’automobile populaire donna naissance au segment des petites voitures, et, en 1 an, la production fut multipliée par 2. Cette année là fut lancée la « Puppchen » basée sur le concept de la Doktorwagen avec un moteur 4 cylindres de 1.0L de 12 CV tout aussi robuste et accessible. Opel mit un point d’honneur sur la robustesse et le bon fonctionnement de ses véhicules pour donner une image de marque indéniable.
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Doktorwagen | Puppchen |
Parallèlement à la fabrication, toujours croissante d’automobiles, Opel continuait celle des bicyclettes, des motocyclettes et des machines à coudre, dont l’importance la classait parmi les firmes les plus développées de l’industrie européenne.
En Octobre 1911, un gigantesque incendie détruisit la partie ancienne de l’usine (les ateliers de fabrication des machines à coudre), la veille de la sortie de la millionième machine. C’est ainsi qu’Opel à mis fin à la production de machines à coudre mais réussit quand même à produire les 12 dernières machines et arriver ainsi à 1 million d’exemplaires vendus. L’usine fut reconstruite dans son intégralité, plus grande et plus moderne.
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Après l'incendie | L’usine reconstruite et modernisée |
En 1912, à l’occasion du cinquantenaire de la firme, un nouveau modèle vit le jour, il s’agissait de l’Opel 40/100 équipée d'un moteur 4 cylindres de 10,2 L, 12 soupapes en tête (1 d’admission et 2 d’échappement) développant 100 CV. Une grande année qui fut symbolisée par l’arrivée d’un nouveau logo, appelé « l’œil d’Opel » dans lequel le nom Opel était inscrit, entouré de rubans. Cet emblème apparaîtra sur toutes les voitures Opel jusqu’à 1935. L’histoire rapporte que les frères Opel avaient réalisé ce logo suivant l’idée du Grand Duc de Hesse avec qui ils entretenaient des rapports privilégiés. En octobre 1912, la 10 millième voiture sortit de la chaîne d’assemblage. Cette année là Opel instaura dans la partie ancienne de l’usine un atelier d’apprentissage dans lequel de jeunes ouvriers qualifiés pouvaient obtenir un bagage supplémentaire dans leur domaine, la firme compte alors 4.500 ouvriers. La "Fondation Adam Opel" fut créée. Il s'agissait d'un fond de secours, destiné à garantir la continuité du salaire si l'employé tombait malade, mais aussi d'un fond de pension. Cette même année apparue une sportive à 2 places de 2000 cm3 fabriquée en série limitée, la 5/12.
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OPEL 4/100 | Nouveau logo | OPEL 5/12 |
Avant 1914, Opel continua à produire des modèles sportifs réservés pour la compétition, et construisit en 1913 une machine puissante et redoutable, la Rennwagen 110 de 4500 cm3 développant 110 CV, pouvant atteindre les 180 km/h. La renommée d’Opel avait atteint un seuil tel que l’empereur Guillaume II se servait exclusivement chez Opel, qui, à la veille de la Première Guerre Mondiale, était devenu le plus grand constructeur Allemand.
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OPEL Rennwagen 110 CV |
Depuis 1898, Wilhelm Opel se rendait régulièrement à Detroit pour observer les constructeurs américains, notamment Henry Ford avec qui il entretenait des rapports étroits. La production de 19.000 Ford T impressionnait Opel. En 1909, les frères Opel avaient décidé de diminuer le nombre de modèles différents en fabrication, et de standardiser au maximum les pièces afin de les rendre universelles. Avec une production annuelle de 3.335 véhicules, Opel devint le n°1 de l’automobile allemande. Jamais la gamme n'a été aussi complète; elle comprend 19 berlines et quatre voitures de sport.
Début d’année 1914, Opel lance le moteur de tout les temps à l’occasion du Grand Prix des constructeurs, un 4 cylindres de 12.0L, 16 soupapes, boite 4 rapports développant 260 CV. Un circuit de roulage et d'essai long de 1.500 mètres était ouvert à l'entrée de l'usine de Rüsselsheim. Les week-ends, les premières courses automobiles et motocyclistes d'Allemagne furent organisées sur cette piste, qui autorisa des vitesses de 140 km/h grâce à ses virages relevés sur un angle de 32°.
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Le 04 Août 1914, la guerre éclate et Opel fut contraint de licencier les milliers d'ouvriers employés au montage des voitures et des bicyclettes. Opel se lança dans la production de camions automobiles pour l’armée Allemande et fabriqua des moteurs d’avion sous le brevet de BMW. Pendant les 4 années de guerre, Opel se diversifia dans les véhicules utilitaires allemands et développa ainsi les moteurs à 6 cylindres de 4700 cm3 et 50cv. Ainsi apparut la 18/50 (6 places) moteur 4,7 L de 50cv pouvant atteindre 85 km/h. La voiture dispose, pour la première fois, d'un démarreur électrique, de phares électriques et d'amortisseurs hydrauliques.
L’après guerre fut une période assez difficile. L’usine Opel se trouvait en zone d’occupation française et la production était entravée par le manque de matières premières, les grèves, les difficultés inhérentes à la situation politique et à la perte des marchés d’exportation. Le programme de production de voitures particulières fut adapté à la demande très réduite, et, jusqu’en 1923, Opel fabriqua des modèles avec moteurs 4 cylindres de 2.0 L (la 8/25) de 2,6 L (la 10/30) et de 3,5L (la 14/38). Deux nouveaux modèles à 6 cylindres furent également créés : l’un de 5,6 L (la 21/50) l’autre de 7.8 L (la 30/75).
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Opel 10/30 | Opel 8/25 | Opel 14/38 |
Depuis longtemps les frères Opel envisageaient de produire une voiturette susceptible de s’adapter à la nouvelle situation économique. Ainsi, il fut décidé que les chaînes de montage et toutes les installations de l’entreprise seraient consacrées exclusivement à la fabrication de ce nouveau modèle qui, grâce au système de production rationnel et unifié, pourrait être offert à la vente à un prix bas.
En avril 1924, le projet prit corps, le nouveau modèle, une voiture à 2 places avec moteur de 1.0 L à 4 cylindres vit le jour. Il s’agissait de la 4/12 qui, à cause de la couleur verte de sa peinture, fut surnommée Laubfrosch (grenouille verte). La production journalière passa en un bref laps de temps de 25 exemplaires à 125 unités. La voiturette fit sensation surtout grâce à son prix de 4500 marks (ramené progressivement à 2950 puis 1990 marks en 1926). Du point de vue technique, la petite Opel était une copie bien réussie de la 5 HP Citroën. Au cours des années qui suivirent, de nombreuses améliorations furent apportées à ce modèle dont la fabrication se poursuivit jusqu’en 1930. Sa production dépassa celle de toutes les autres voitures allemandes. L’emblème de l’œil Opel changea suivant les tendances. A partir de cette année, les voitures portèrent un emblème quelque peu modifié, la couronne de lauriers a disparu.
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Opel Laubfrosch 4/12 | Opel Laubfrosch 4/12 |
En 1925, les châssis en acier remplacent peu à peu ceux en bois. Des presses hydrauliques réalisent les panneaux de carrosserie en quelques secondes. Grâce à la toute nouvelle technique de soudure par points, des ouvriers spécialisés raccordent les panneaux de carrosserie. Les techniques de mise en peinture sont également révolutionnaires. Les peintures cellulosiques peuvent être appliquées au pistolet et sèchent en quelques secondes. Le prix du nouveau modèle 4 ch est également en évolution: il chute de 4.500 à 2.980 marks.
En 1926, Opel mit en production un modèle à 4 cylindres de 2.6 L la « 80 » puis un 6 cylindres de 4.2 L la « 100 » inspirée des modèles Américains « Pakard ». Ayant conquis 37,5 % du marché automobile allemand, Opel occupait désormais une place prépondérante. En 1928, grâce à ses 8000 ouvriers, Opel sortait 250 voitures pas jour. Le réseau d’après vente (avec des prix forfaitaires pour toutes les réparations) était parfaitement organisé.
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Modèle 100 | Modèle 80 |
1928 ; c’est cette année là qu’eurent lieu les essais spectaculaires de la voiture-fusée pilotée par Fritz von Opel. La première voiture dénommée « Rak 1 » atteignit sur le circuit de Rüsselsheim la vitesse de 100 km/h. Les versions suivantes, perfectionnées et bénéficiant d’une publicité mondiale, la « Rak 2 » et la « Rak 3 » furent présentées sur le circuit berlinois de l’Avus et permirent à Fritz von Opel d’atteindre la vitesse de 254 km/h.
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OPEL RAK-1 | OPEL RAK-2 | FRITZ von OPEL sur le RAK-2 |
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OPEL RAK-3 | OPEL RAK-3 |
En 1929, Le cheval de bataille d’Opel fut la «Regent » (8 cylindres de 6.0L et 110cv). Cette voiture de luxe de plus de 2 tonnes, fabriquée en série limitée (25 exemplaires seulement) avait elle aussi de nombreuses analogies avec la Pakard.
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OPEL Regent |
1929, la crise économique mondiale :
Au cœur de la "Grande Dépression", les frères Opel entamèrent des pourparlers avec le groupe américain General Motors et signèrent avec ce dernier un accord qui lui était favorable. L’entreprise qui jusque là était restée la propriété de la famille Opel fut transformée en société anonyme dont 80% des parts furent rachetées par General Motors. Un an plus tard, GM acquiert les 20% restants. L’entreprise allemande se retrouva ainsi incorporée dans un holding agissant à l’échelle mondiale et bénéficia directement des progrès techniques, de l’organisation et des brevets du colosse américain. Après la crise, Opel devint le premier constructeur allemand à lancer une compagnie d'assurance. La “Banque Opel” est créée pour permettre l'achat à crédit. Fin 1929, 90% de la totalité des voitures vendues en Allemagne le sont à crédit.
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OPEL Story from bicycles to DTM championship...